23 Décembre.

Je suis très affaibli, rongé par une grippe qui n’en finit pas de se terminer. J’ai trouvé une valeur assez fondamentale, en trichant un peu c’est vrai..., et compris davantage sur les individus. J’ai découvert le mensonge.
Tout le monde joue le jeu du visible du concret. Nous sommes à ce point bornés que notre vision s’arrête au palpable, au visible. Mais les expériences du commun sont trop trompeuses, le visible est un piège de la suprême essence de l’homme, il nous enferme nous cantonne à des comportements insensés. Il faut s’extrapoler du visible, du matériel, ce n’est pas vraiment nouveau, mais le principal c’est de vivre au niveau de l’extra-perceptible, au-delà du sensoriel, vivre pour essayer de tendre vers cet aspect nouveau du vécu à chaque moment. Il n’existe pas de réalités aux choses matérielles, elles n’existent pas, les objets qui nous entourent sont faux, sans vérité. En cela tous les comportements qui peuvent nous entraîner à créer un univers composé d’objets destinés à nous entourer sont purement insensés c’est un éloignement de la vérité, la seule vérité que peuvent avoir ces objets résulte du choix que nous faisons, sur celui-ci plutôt qu’un autre par exemple, ou l’idée de la possession d’un objet. En fait la seule réalité, c’est l’idée, la pensée car la pensée peut avoir l’idée du néant, ce qui semble prouver qu’elle est bien elle réelle premièrement. Donc au-dessus du néant puisqu’elle peut en avoir l’idée. Maintenant vis-à-vis du concret,...elle lui est supérieure, par ordre, par logique puisqu’elle se distingue de lui, par “expérience”, elle se reconnaît par l’action qu’elle exerce sur eux. Ce qu’elle oublie parfois c’est le piège que peuvent constituer les objets, qui lui font croire être la seule réalité, parce que visibles, présents. Mais la présence ne se prouve pas forcément par la réalité du visible.
Les objets qui n’ont pas de réalité, n’ont pas de prise réelle, “véritable” sur la pensée, c’est plutôt la pensée qui se laisse elle-même fasciner par les marques , les preuves de sa matérialisation concrète. C’est une forme de pensée primitive en fait, celle qui se laisse jouer par un aspect visible. La pensée la plus évoluée joue avec son propre raisonnement, se laisse conduire par sa faculté de réflexion dépassant son essence de base, son essence première. La musique est une forme extraordinairement évoluée de la pensée. C’est une pensée “matérialisée” de manière quasi inconcrète, insuffisamment concrète car on ne peut que l’entendre, on ne la voit pas, mais on la perçoit auditivement en tant que réalité auditive, audible et en plus on perçoit le message qu’elle renferme. La musique est une pensée qui joue avec elle-même ( niveau de la perception intime de l’oeuvre ) et une pensée qui joue avec une réalisation ambiguë à moitié réelle.

Alexandre Tissier 23 décembre 1988