Voyage à Köln.

Je m’empreins de la culture allemande, m’intègre à la masse. Il est vrai qu’en tant qu’individu l’on perd son appartenance à une culture, seuls les goûts subsistent.
J’en fais l’expérience au musée de Cologne. Ce sont les toiles françaises qui me contraignent à m’arrêter. Les tableaux d’Yves Tanguy me touchent par la profondeur et la savante flexibilité de leurs couleurs..?.. qui n’agressent pas le regard. Quelques toiles russes géométriques me plaisent également. Les tableaux germaniques me sont impénétrables.
Je n’ai pas ressenti durant les vacances à l’étranger, un furieux et violent appel patriotique. Une certaine sympathie à l’égard des Turcs mais c’est uniquement une relation par complicité d’une nationalité étrangère.
J’ai passé mes journées au coeur de Neumarkt, des rues piétonnières, des magasins pour regarder les articles, leurs prix, au coeur du peuple...! goûtant avec jeu la solitude de mon enfermement volontaire. J’ai tenté une fois de me joindre au groupe des Français, mais...on ne peut pas dire qu’ils aient éxercé sur moi une grande influence ni même suscité un intérêt, je conçois une autre “esthétique” de vie que la leur. J’ai néanmoins acquis la conviction au cours de ce séjour d’être fermement “ancré” dans un profond esprit debussyiste. Le soi résulte aussi d’une culture profonde...qui nous conduit à une identité. La part de personnel dans le soi, outre l’enveloppe biologique corporelle, est bien minime...Je crains que l’homme ne soit qu’une oeuvre “thème à variation” de la nature. Que nous soyons tous pré-déterminés à notre propre destruction par un jeu cyclique cruel et sadique.
Dans ma famille j’ai été amené à parler autrement par “situation” linguistique d’une part mais également par influence de la langue. Les combinaisons des structures linguistiques, limitées, conditionnant le raisonnement et la capacité de réflexion pure mais enrichissant les cadres de divers sens de la pensée. Le maniement de la langue étrangère flexibilise et adoucit l’esprit mais enferme quand même un peu, cantonne cette “mutation” momentanée de pensée au cadre de la langue elle-même.

Extrait du “Carnet d’écrits, réflexions de solitudes, été 1988”.