Retour du séjour linguistique de Göppingen.

Lundi 23 juillet 1985.

L’ambiance était bonne (très). J’y ai fait connaissance d’Elodie.
Le départ avait lieu de Paris, mais il y avait d’autres arrêts auxquels on pouvait monter, notamment celui de Strasbourg, ( je ne sais pourquoi mais lorsque je sus que j'avais été reçu au CNR, je m’étais dit que je serais professeur de piano au conservatoire national de Strasbourg ).
A l’arrêt de Strasbourg, sur le quai, nous aperçûmes un homme, avec un blouson, portant une valise, suivi d’une jeune fille. L’ homme demanda avec une certaine retenue depuis le quai:
“Etes-vous bien le groupe qui part à Göppingen?”
“Oui !” répondîmes-nous tous en choeur.
“ Où est la responsable!” reprit l’ homme.
“ Elle dort!” répondîmes-nous en riant un peu.
Ensuite la jeune fille monta et alla dans son compartiment. Elle en ressortit, ouvrit la fenêtre du couloir, s’y accouda et tourna la tête à droite.
Deux jours plus tard, lorsque nous vîmes notre professeur d’allemand et que nous eûmes écrit nos noms sur une feuille de papier exposée à la vue de chacun, j'y inscrivis Tissier Alexander au lieu de Tissier Alexandre. Elodie était dans la même rangée que moi, nous étions seulement séparés par une fille. Voyant que j’avais écrit Alexander, elle le prononça avec un accent vulgaire volontaire , c’est-à-dire qu’au lieu de prononcer Alexaneder, elle le prononça à la française, ce qui donna Alexander. Ce fut notre premier contact. Et moi lorsque je vis qu’elle s'appelait Elodie Weber, je l’appelai bien entendu Mélodie Weber! Ce fut tout.
Une semaine après, j’eus l’occasion de reparler avec elle. Cette occasion avait été amenée par les interminables parties de baby foot que nous avions faites ensemble pendant la pause entre les cours. Nous discutâmes des signes du zodiaque. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’appris qu’elle était verseau et qu’elle était née le 15 février 1971 à 8 heures du soir! Dès lors une certaine amitié commença entre nous deux.
Le jour du départ, nous allâmes à la piscine l’après-midi. Etaient venues avec nous Yane et Marianne. Sur le chemin de l’aller, elle essaya de me prendre plus ou moins le bras et ensuite me poussa en avant. Pour rentrer de la piscine, nous prîmes un bus, que nous eûmes de justesse d’ailleurs, pour aller à la gare routière afin de rentrer chacun dans nos villages situés aux environs de Göppingen. Il y avait bien une demi-heure d’attente avant le départ de mon bus. Nous allâmes au supermarché d’à côté et nous y achetâmes de la nourriture. Puis je montai dans mon bus, leur adressai un signe de la main et leur dit:"au revoir, à ce soir".
Dans le train, au départ de Stuttgart (la ligne n’étant pas directe, nous prîmes un train à Göppingen qui nous amena vers Stuttgart), lorsque les coups de sifflet du chef de gare retentirent , Elodie arriva suivie de Marianne. Elle ouvrit grand ses bras et nous tombâmes dans les bras l'un de l’autre puis je tombai dans les bras de Marianne. Nous nous installâmes tout en haut dans les couchettes sur lesquelles nous nous assîmes et l’on discuta. Au fur et à mesure que le temps passait, Elodie parlait moins. Elle devait descendre à Strasbourg. Elle me demanda d’écrire quelque chose dans le cahier dans lequel elle recueillit toutes les signatures. Je la nommai ...abat-jour...ce qui l’amusa. Je ne sais pourquoi mais je trouvais qu’elle ressemblait à un abat-jour. Le train arriva en gare de Strasbourg. Elle nous fit la bise. Elle avait les yeux embués de larmes. Son père l’attendait sur le quai, elle resta jusqu’à ce que le train parte. Et avec un petit sourire mélancolique, une lueur de tendresse dans les yeux, elle me dit quelque chose que je ne compris pas mais qui se termina par ...abat-jour. Lorsque le train repartit et que nous la saluâmes, je criai avec véhémence : ”adieu Elodie”.
Je la revois avec sa casquette, sa veste blanche et son pantalon bleu très clair.